Lionel Daudet - English

Nous poursuivons notre série Vie d’ici avec Lionel Daudet, considéré comme l’un des meilleurs alpinistes en solitaire.

Une présentation synthétique du personnage n’est pas aisée…

Considéré comme l’un des meilleurs alpinistes en solitaire, Lionel Daudet (dit « Dod ») est né à Saumur, en 1968. Il est attiré par la montagne dès son plus jeune âge. Il réalise en 1993, la première ascension, en hivernale et solitaire, d’une directissime de l’Olan (massif des ). En 1996, il part faire un tour du monde, pendant lequel il effectue 12 ascensions solitaires de très grandes difficultés, et pour lesquelles il reçoit le cristal 96 de la FFME.

Après être devenu guide de haute-montagne en 1997, il part en Alaska 2 ans et réalise, l’ouverture d’une voie sur le Burkett Needle. Pour cet exploit, qui nécessitera de passer 25 jours sur une paroi de 1200 m en autonomie totale, il reçoit un Piolet d’or.

En 2002, il restera bloqué au Cervin pendant 9 jours dans une tempête et devra être amputé de 8 orteils. Il s’écarte alors des grandes courses pour privilégier des projets plus novateurs, comme en 2004, le projet « Skyline », une traversée intégrale des arêtes du massif des Écrins en passant par tous ses sommets, bouclée en 55 jours !

En 2007, en compagnie d’Isabelle Autissier, il traverse la Géorgie du Sud par sa longueur, lui sur les cimes, elle, sur son voilier. Toujours animé d’un esprit pionnier, Lionel Daudet effectue entre août 2011 et novembre 2012, le 1er tour de France au plus près de ses frontières, sans aucun moyen motorisé.

En plus, nous avons eu beaucoup de chance, car Dod, s’envole pour une aventure « Big wall – Big Seas » où la mer et la montagne vont cohabiter pendant 3 mois. Le but sera d’explorer au Groenland, un big wall de 1600 mètres, d’y grimper dans sa partie la plus raide, mais aussi… d’y faire un peu de botanique ! La suite, au prochain numéro…

On comprend après cette succincte présentation tes motivations pour venir vivre dans les montagnes mais pourquoi ici, au Pays des Écrins ?

J’ai eu la chance de venir ado en vacances et d’y découvrir ses sommets. Mais le facteur déclenchant a été le rassemblement de glace, l’Ice Climbing Écrins, organisé à l’époque par Gérard Pailleret. Et puis, j’ai beaucoup bougé et quand il a fallu poser ses valises, j’ai proposé à Véro, ma femme, de s’installer ici.

Comment ta pratique actuelle se combine avec ton milieu de vie ?

Ou comment vivre l’aventure à ma porte… Le Massif des Écrins offre beaucoup de possibilités quant à l’imaginaire. Par exemple, pour le projet Skyline, je suis parti de ma maison, pour emprunter les crêtes des sommets du Massif des Écrins pendant 80 jours, ce cheminement a dessiné un cercle virtuel, et puis, je suis revenu à pied chez moi…

Ce qui m’a toujours motivé dans les Écrins, c’est la variété d’alpinisme que l’on peut y pratiquer, dont une forme créative et originale.

Au quotidien, je m’entraîne avec d’autres activités comme l’escalade sur rocher, et en hiver sur glace, mais aussi je randonne et profite de la diversité des paysages.

Est-ce que tu peux nous parler de tes endroits favoris, au Pays des Écrins ?

J’affectionne particulièrement la zone qui se trouve au-dessus du refuge du Pavé dans le Massif des Écrins. Le site est exceptionnel, dans un des endroits les plus sauvages du massif, d’où l’on part pour le Pic Nord des Cavales, le Pic Gaspard, c’est un petit bijou.

Côté parapente, je rêverais de faire une goulotte de glace au Pelvoux puis de décoller du sommet ! Le décollage de Puy Aillaud reste une référence, pour venir atterrir sur la place du village à Vallouise !

Pour le bloc et la falaise, il faut citer Ailefroide qui reste un must dans ces domaines, surtout aux premières neiges, à l’automne quand les mélèzes rougissent…

Et en plein été, alors qu’il y a une circulation pas possible au Glacier Blanc, préféré le Glacier Noir, y bivouaquer et réaliser la voie normale du Pic Coolidge, c’est magnifique !

Et l’hiver ?

Sans hésitation, la vallée de Freissinières et Gramuza pour la cascade de glace. Il y a une concentration de glace unique au monde. La face de Gramuza présente un caractère très fort avec une concentration de lignes exceptionnelles.

Qu’apprécies-tu particulièrement ici ? En quoi cet endroit fait la différence ?

C’est un massif qui a su garder une forme d’authenticité, une empreinte humaine faible. Quand tu viens ici, tu as l’impression que les racines de notre planète y émergent au travers de l’Olan, de la Barre des Écrins. Ce monde minéral est vivant, c’est le cœur de ce territoire. Il est comparable aux endroits extrêmes qui existent sur Terre, avec ce paradoxe du loin proche. Proche, car il existe à 15 km de ta maison, loin, car si tu y vas en hiver, tu as l’impression d’être en Patagonie.

Le ressourcement. Le Massif des Écrins permet aux gens de boire à la source de ces racines qui pointent vers le ciel, tu reçois leur énergie, et tu reviens gonflé à bloc !

Ce qu’il manque ?

Il manque une conscience de cette préciosité du territoire. Cet endroit va prendre de plus en plus de valeur, face à une démographie, une pollution, une biodiversité menacées ou menaçantes.

Décris-nous une journée parfaite au Pays des Écrins ?

Je me réveille de mon bivouac au sommet d’une montagne et j’ai le sentiment de participer à la beauté du monde, c’est ce sentiment de wilderness relative, sans pollution, où la nature est tellement proche. Puis, je plis mon campement et je vais grimper.

Si tu devais décrire le Pays des Écrins en trois mots :

Authenticité – marquée par un territoire peu peuplé, protégé grâce au PNE

Variété – au fil des saisons – des activités – du territoire qui va de la lavande au glacier

Soleil – au sens qui éclaire, réchauffe et fait du bien

 

Pour en savoir plus sur Lionel :

Son blog : http://www.dodtour.com/

Bibliographie :

  • 2014 : Le tour de France exactement
  • 2008 : Versant océan - L'île du bout du monde (avec Isabelle Autissier)
  • 2004 : La montagne intérieure